La même conclusion ressort concernant l’auteur de l’acte terroriste de l’Impérial Palace à Sousse de Juin 2015 ou encore de l’attaque de Ben Guerdane, le village frontalier entre la Tunisie et la Libye. «Ce sont des jeunes radicalisés dans des mosquées », ont laissé entendre les enquêtes menées suite à ces différents actes terroristes ou, en rapport, avec le nombre élevé de jeunes tunisiens allant au Jihad en Syrie ou en Irak.
Mais, au-delà des actes terroristes en Tunisie, à Paris et ailleurs, l’interrogation porte sur l’avenir de ces jeunes qui nourrissent en ce moment l’armée de Daech sur le terrain syrien, libyen ou irakien. C’est le retour de ces djihadistes qui constitue une réelle menace pour les pays d’origine, notamment la Tunisie qui est l’un des premiers pourvoyeurs de combattants. Plusieurs rapports indiquent qu’ils seraient près de 3 000 à être partis mener le djihad sur les fronts libyens et syriens. Mais, le phénomène intéresse une quarantaine de pays et près de 30.000 combattants sous les drapeaux de Daech. Il y aurait même plus de 800 Français et des centaines d’Allemands. Donc, personne n’est épargné. Le danger est universel.
Après l’attaque du musée du Bardo, le chef du gouvernement tunisien, Habib Essid, avait affirmé qu’une enquête déterminera les responsabilités au sein des forces de sécurité. Ces services, qu’il s’agisse d’armée ou de police, apparaissent défaillants depuis la chute du président Ben Ali.
Une dizaine de jours avant l’attaque, deux caches d’armes ont été découvertes dans la ville frontière de Ben Guerdane. Des grenades, des lance-roquettes et des Kalachnikovs ont été saisis par les autorités, mais on ignore si cet armement était destiné à des « cellules dormantes » ou s’il était destiné à alimenter différents trafics.
L’instabilité de la Libye, qui a favorisé la prolifération des armes depuis le soulèvement populaire de février 2011, rend difficile la sécurisation des frontières. Les trafics d’armes existent mais demeurent relativement restreint en Tunisie selon Small Arm Survey, une ONG spécialisée dans l’étude de la circulation d’armes. Une partie transiterait en Tunisie, mais pour aller vers l’Algérie et le Mali et ainsi alimenter des groupes armés.
Il n’est pas nécessaire d’être surarmé pour provoquer un carnage. Les assaillants du musée du Bardo, qui ont fait 21 morts et 47 blessés, l’ont prouvé. Selon le porte-parole du ministère de l’intérieur tunisien, ils ne disposaient que de « deux Kalachnikovs et de deux grenades ».
L’Etat Islamique (EI), qui a revendiqué l’attentat, se targue de ce bilan. Dans un communiqué, publié jeudi sur Internet, il indique : « Nul besoin de stratégie ou de plans, ni d’infiltration ou de financement, il a suffi de deux Kalachs.. » Quelques lignes plus loin, elle appelle les « musulmans » à éviter de dépenser 3 000 dinars (environ 1 430 euros) pour partir clandestinement combattre en Libye. « Il suffit de prendre une arme et de viser. »
Un débat se pose aujourd’hui en Tunisie sur le lien entre la contrebande et le terrorisme. Les enquêteurs croient dur comme fer que la contrebande se nourrit de terrorisme et vice versa. Mais des chercheurs relativisent le constat. D’autres sources sécuritaires, préférant garder l’anonymat, ont déclaré quelques semaines avant l’attaque du Bardo que ce lien n’était pas systématique.
Il convient en réalité de distinguer les contrebandiers ordinaires des réseaux mafieux. Les premiers, bien qu’exerçant une activité illégale, fournissent notamment des renseignements sur le trafic de marchandises dangereuses et les activités suspectes dans les régions frontalières. Quant aux activités mafieuses, elles peuvent porter sur les armes, la drogue ou les êtres humains.
Sur la frontière tuniso-algérienne, les attaques djihadistes contre l’armée et les forces de sécurité se sont multipliées depuis la révolution. Des guet-apens, se terminant en fusillades ou égorgements ont fait plusieurs dizaines de victimes parmi les forces armées et des agents de la garde nationale.